Texte : Joël Pommerat
Mise en scène : Joël Pommerat
Durée : 4h30
Théâtre de la Porte St Martin
15 04 2019
Ça ira (1) fin de Louis met en scène des événements de la Révolution Française : de la convocation des états généraux en juillet 1787 jusqu’à la marche des femmes sur Versailles et le retour du roi à Paris en octobre 1789. Les costumes et accessoires sont contemporains ; les protagonistes ne correspondent pas à un personnage historique unique, ils sont souvent la synthèse de plusieurs, ils portent des noms génériques.
Premier épisode : Tout commence quand, pour remédier à la faillite de l’état français, le premier ministre du roi propose un impôt sur le revenu progressif pour tous les citoyens français. Les représentants du clergé et de la noblesse traditionnellement exonérés s’y opposent et requièrent la présence du roi. Le roi arrive et confirme. Ils demandent alors la constitution des états généraux.
Second épisode : dans un quartier de Paris, nous assistons à une assemblée où sont réunis quelques citoyens. Dépassés par l’ampleur de l’événement et le devoir qui leur incombe d’élire des délégués, ils parlent des problèmes qu’ils rencontrent au quotidien dans leurs commerces.
Troisième épisode : en direct de Versailles, une présentatrice espagnole introduit la retransmission du discours du roi de France pour l’ouverture des états généraux.
Quatrième épisode : les députés du tiers état exigent d’être unis aux assemblées de la noblesse et du clergé.
Puis la prise de la Bastille, l’engouement de l’abolition des privilèges, la marche des femmes sur Versailles, la confrontation avec le roi…
Joël Pommerat fait se succéder ainsi les épisodes de 1789. Il alterne les débats d’idées et de réformes à l’assemblée, les comités de quartier et les problématiques de la vie quotidienne, les moments de représentation du roi, dans un équilibre qui fait cohabiter tous les niveaux du politique. Son tour de force est une actualisation du contexte qui met en avant les mécanismes immarcescibles des luttes contre un système inégalitaire mais aussi des résistances que lui oppose ce système. “ Il faut que tout change pour que rien ne change” la fameuse phrase de Lampedusa résonne. La force symbolique de la Révolution Française de 1789 fait oublier son incomplétude. Le spectacle ranime les séances de pourparlers au coeur du théâtre et la mise en scène de Pommerat inclut le public en éparpillant des figurants en orchestre et aux balcons, qui interviennent avec véhémence.
“Ça ira” est la ritournelle de l’histoire de France depuis la révolution. Deux mots,”esquisse d’un centre stable et calme, stabilisant, au sein du chaos”(1) sans cesse remis en question en plus de deux siècles, 1830, 1848, la Commune de Paris 1871, 1968, et plus récemment Nuit debout 2016, les gilets jaunes 2018… jusqu’à l’établissement de l’égalité entre les hommes en faits.
(1) 1837 – De la ritournelle, chapitre 11 de Milles Plateaux de Gilles Deleuze et Félix Guattari, 1980, éditions de Minuit
Texte : Benoît Maghe