Joueurs, Mao II, Les noms

Texte : d’après Don DeLillo
Mise en scène : Julien Gosselin
Durée : Joueurs / 3h
Mao II / 3h10
Les noms / 3h
Durée totale : 9h10

Théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier
15 12 2018

JOUEURS
La scène est fermée par des panneaux en bois. Les comédiens jouent dans un espace clos inaccessible au spectateur. Tout est retransmis en direct par vidéo sur trois écrans dont un central. À New York à la fin de années soixante dix où s’emballe une spéculation boursière effrénée, deux couples d’amis, l’un hétéro Lyle et Pammy, l’autre gay Ethan et Jack, évoluent dans un monde sans repère. La mondanité, l’alcool, la télévision, la pornographie trompent à peine l’ennui lorsqu’un collègue de Lyle, George Sedbauer est assassiné en pleine salle des marchés du New York Stock Exchange. Lyle s’engage alors dans une enquête et approche un groupe terroriste maoïste par l’intermédiaire d’une secrétaire, Rose Mary Moore. Ethan, Jack et Pammy se rendent dans une maison de villégiature dans le Maine. Les panneaux tombent pour faire apparaître une maison de verre sur une partie de la scène. Pammy entame une relation adultérine avec Jack, de plus en plus instable, il finit par s’immoler.

_ Entracte 1 : chant en chinois repris par toute la troupe jusque dans les tribunes, suivi par la présentation des intentions du groupuscule à l’avant scène dans un style très Godard, jusqu’à la reprise de la séquence de La Chinoise entre Anne Wiazemsky et Francis Jeanson.
_ Entracte 2 : chants révolutionnaires chinois

MAO II
La scène accueille en son centre, un espace clos, transparent. Il est le coeur de la maison de l’écrivain Bill Gray qui vit reclus loin de son succès, avec Scott, un admirateur devenu son archiviste et homme à tout faire et Karen, échappée d’une secte qui organise des mariages de masse dans des stades. Sur l’écran défilent des images en noir et blanc de végétation en mouvement, des phrases reviennent en boucle, c’est le récit à la première personne du quotidien d’un poète otage à Beyrouth. Brita est une photographe de renom dont l’oeuvre a pour ambition de rassembler les portraits de tous les écrivains du monde, un recensement qui devrait donner lieu une installation. Brita a été choisie par Scott pour photographier Bill, ils se rencontrent dans un musée. Suite à la séance, Bill disparaît sans laisser de traces, il a accepté à la demande de son éditeur de participer à une conférence à Londres pour la libération du poète suisse retenu en otage au Liban. Il décide d’entreprendre des négociations lui-même avant d’être victime d’un accident à Chypre. À la recherche de Bill, Karen s’installe chez Brita à New York où elle erre sans fin jusqu’à retourner auprès de Scott.
Bill est attablé au centre de l’espace en verre, des visiteurs tournent autour de lui comme s’il était une installation.

_ Entracte 3 : un comédien assis devant un micro dit le texte la Faucille et Marteau : récit d’un détenu dans une société dystopique.

LES NOMS
La scène est divisée en deux parties rectangulaires symétriques et contiguës (cf illustration). Un rideau délimite à jardin un espace vide aux reflets orangés où se déroule les scènes de la vie conjugale de James Axton, analyste de risques pour une compagnie d’assurance, entre sa femme, son fils et un ami archéologue et linguiste Owen Brademas. A cour c’est la vie sociale du protagoniste qui est décrite dans un décor de verre ; autour d’une table des dîners ont lieu entre américains expatriés autour de la Méditerranée, berceau de la civilisation occidentale. Les deux parties sont séparées par trois éléments d’éclairages : on passe de l’une à l’autre jusqu’à l’implosion, une dispute entre James et sa femme Kathryn pendant laquelle est reconfiguré tout le décor à l’avant de la scène. Là commence la quête de vérité sur des meurtres dont les initiales des victimes sont mystérieusement similaires à celui des villes dans lesquelles ils ont été perpétrés. James en fait part à un ami réalisateur aussitôt intéressé pour en faire le sujet d’un film. L’histoire le mène sur les traces d’une secte obscure vouée au culte du langage. Le plateau se vide ; nu, une pluie fine commence à tomber, des voix parlant des langues diverses se mêlent dans un brouhaha, il ne reste que des corps pris dans une chorégraphie expiatoire.

La scénographie d’Hubert Colas est élégante : huit modules de structures métalliques recouvertes de Plexiglas, la transparence comme symbole de l’espace moderne dans lesquels les personnages sont enfermés sans repère. Mobiles, ils s’emboîtent, se combinent, afin de représenter tous les lieux des actions, habités par du mobilier des années 60, parfois habillés par un rideau, ou des panneaux en bois amovibles, trois écrans à différentes profondeurs. La scène commence fermée opaque, puis fermée transparente, jusqu’à s’ouvrir et se resserrer dans une petite pièce pour enfin se vider.
Spectacle total, maîtrisé de bout en bout, la mise en scène est brillante, les dialogues sont rapides, les enchaînements fluides pourtant quelque chose dans l’oeuvre de Don Delillo résiste à l’adaptation par Julien Gosselin et sa troupe, quelque chose de trop complexe dans le texte d’origine que la mise en forme théâtrale ne peut que simplifier.

 

texte : Benoît Maghe



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