Louis CK l’exilé

Texte : Louis CK
Mise en scène : /
Durée : 45min

L’Européen
21 04 2019

Paris est devenu l’endroit privilégié pour observer comment le roi déchu du stand-up new yorkais travaille. Quelques mois après son apparition à la porte Saint Martin, “Merci Blanche”, Louis CK revient avec à peu près le même contenu d’environ trois quarts d’heure. Un rodage, donc… il use désormais du même dispositif que Florence Foresti pour éviter le pillage inévitable de ses blagues, des pochettes distribuées à l’entrée dans lesquelles sont scellés les téléphones des spectateurs.

Comme la première fois l’attaque est frontale, il revient sur les accusations qui ont causé son exil mais l’angle est différent, ce n’est plus l’étalage des millions de dollars perdus mais la question du consentement et des mauvaises habitudes  “I love to jerk off and I don’t like being alone” qui sont évoquées. Une bonne demie heure a été retravaillée de cette manière, pas un polissage mais l’élimination des rires trop gras – obtenus avec facilité par celui qui s’en est fait une spécialité. Dans une table ronde avec Jerry Seinfeld, Ricky Gervais, Chris Rock, Louis faisait la distinction entre les rires cheap et le sentiment d’atteindre parfois des endroits où personne n’a fait rire – tout en affirmant que tous les rires se valent. On sent pourtant se dévoiler entre les deux versions d’un même contenu – et plus encore entre première partie hilarante et une seconde partie plus balourde (le dernier quart d’heure) – la ligne très fine sur laquelle repose l’humour de Louis CK, où il déploie toute sa puissance métaphysique.

Il pousse les détails les plus insignifiants jusqu’à l’absurde : pourquoi prend-on autant au sérieux les tests de réflexes chez le docteur ? comment est arrivée une chaise roulante dans la vitrine d’un magasin d’une petite ville, et à qui cela s’adresse ? Il a également coupé les blagues trop faibles comme celles de son footing aux Buttes Chaumont – trop compliquées pour peu d’effets. Il aime se rendre compte à quel point ses réactions sont stupides et égocentrées : dans le cimetière du Père Lachaise, après avoir remarqué la tombe d’un homme né la même année que lui, il raconte s’être mis à chercher un conscrit mort très âgé.

Une fois le dernier quart d’heure parachevé, la question reste de savoir s’il retrouvera l’audience mais surtout le diffuseur pour un nouveau spectacle.

 

texte : Benoît Maghe



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